Objectifs pédagogiques et éducatifs : un devoir de transmission
J'utilise ce support historique pour aller à la rencontre des collégiens, des lycéens, des enseignants, afin d’échanger sur cette période douloureuse, dont le contexte est parfois méconnu :
« Il y a d’abord un travail de mémoire important pour ceux qui ont vécu cette période : La France honore, à juste titre, les anciens combattants des guerres mondiales précédentes. Cela ne sera pas le cas pour les combattants d’Indochine et d’Algérie, toute honteuse qu’elle est de cette période qu’elle souhaiterait cacher sous le tapis, histoire de l’oublier.
Mais voilà. La France y a envoyé ses enfants de 20 ans (et parfois plus jeunes). Elle doit accepter et reconnaitre ses erreurs, comme tous dans notre quotidien, nous devons accepter les nôtres, avec résilience, pour "tâcher de ne pas les reproduire".
Car là-bas aussi, il y eut des morts, militaires et civils, Français et Algériens. Et pour ceux qui sont revenus, quels qu’ils soient, mais notamment pour les Harkis, pour les Français d'Algérie, pour tous ces jeunes appelés (et non pas engagés volontaires) de 20 ans, et pour les Algériens qui croyaient en la liberté de leur terre, il reste une souffrance, comme un sillon creusé dans leur chair dont la plaie ne cicatrisera jamais.
C’est un devoir de mémoire et un travail de réflexion : nous ne pouvons pas changer l’Histoire, mais nous pouvons l’utiliser comme outil de construction pour l’avenir. Nous pouvons l’utiliser pour parler de respect, de dialogue, d’écoute, de non-violence et surtout de résilience… pas de repentance, de résilience…
Et si au lieu de ressasser le passé, nous nous tournions vers l'avenir de nos enfants ?
Et si nous agissions pour que la violence, celle de tous les jours, insidieuse, banalisée, qui entre dans l’école, dans la famille, au travail, cesse ?
Où en est l’éducation ? Que doivent transmettre les parents aujourd’hui ? Quel est le statut du père dans les nouvelles familles d’aujourd’hui ?
Quel est, dans notre société, le rôle de la femme ? Celui d'enfanter ? d'allaiter ? de soigner ? de consoler ? d'éduquer ? d'accompagner tout au long de sa vie ?... ou bien celui de tuer l'enfant d'une autre mère ?... Car je reste convaincue que ce sont nous, les femmes, qui avons le pouvoir de faire évoluer sereinement la société.
Questionnement
Comment conserver ou retrouver la sérénité de l’esprit indispensable à tout être ?
Comment dire aux uns que toute terre est une terre d’accueil à condition qu’on la respecte ?
Comment dire aux autres que nous pouvons être ouverts aux autres cultures en conservant notre identité, notre terre, notre langue régionale, notre équilibre car cela nous enrichit toujours ?
Et plus simplement, comment aimer ? Car si la paix gagnait nos cœurs, alors, peut-être, pourrions-nous dire que tous, n’ont pas subi tout cela… pour rien ».
Ne pas juger mais savoir
"J’ai eu la chance de rencontrer des anciens combattants de Haute-Corse qui organisent des conférences dans des établissements scolaires.
La guerre d'Algérie est à présent inscrite dans le programme d’Histoire au BAC mais résumée en une seule page dans les livres scolaires.
Autant dire que l'information sur 8 ans "d'évènements" est brève.
Le travail réalisé avec les professeurs est bien accueilli par les adolescents qui questionnent beaucoup sur cette période méconnue et donc mal perçue, avec des amalgames qui nécessitent souvent des explicitations concises. Nous utilisons le livre comme support afin d'aborder certains sujets avec les lycéens qui, à mon sens, relèvent de la prévention des relations humaines fortement mises à mal ces temps-ci. Ainsi, nous les amènerons vers une prise de conscience :
- Faire qu'ils questionnent leurs grands-parents ou grands oncles sur le sujet. La plupart n’en parlent jamais. Et pourtant lorsqu’on les écoute, 55 ans plus tard, ils se souviennent encore des balles sifflant dans les oreilles. Ils savent ce que c’est que d’avoir peur à 20 ans.
« Écoutez vos grands-pères, ne pensez pas que leur silence signifie l’oubli. Ne pensez pas qu’ils sont justes bons à distribuer des billets pour votre anniversaire ou laisser des terres en héritage. Eux peuvent parler de la solidarité et de la fraternité. Celles qui les ont unis sur un champ de bataille. Une bataille peu glorieuse, voire honteuse, que l'on aurait pu éviter, que les gouvernements successifs ont voulu faire semblant d’oublier, continuant d'embourber les relations franco-algériennes dans un marasme sans fond. Mais pour tous ces jeunes de 20 ans, aujourd’hui octogénaires, elle reste bien gravée dans leur mémoire. Vous n’imaginez pas l’émotion ressentie en écoutant votre « grand-père » se libérer des horreurs tues depuis tant d'années et qu’il vous livre avec des larmes plein les joues.
Les écouter...
Et décortiquer ensemble ces sens de la solidarité et de la fraternité. Car eux les connaissent et savent en parler. Mais surtout ne pas juger leurs actes. Ne pas juger le gosse de 20 ans, déserteur, par réflexion politique ou par peur tout simplement. Ne pas juger celui qui a suivi son capitaine ou son général dans l'OAS. Ne pas juger en oubliant le contexte historique et conflictuel de l'époque. Ne pas juger ce que l'on n'a pas vécu. »
En tant que petite-fille d'un grand-père Kabyle,
fille d’un ancien combattant pour la France,
femme et mère,
je pense avoir une certaine légitimité à aborder ces sujets qui nous concernent tous."
Répercussions sur les Hommes
- Réfléchir ensemble sur les répercussions de ces violences dans la vie de chacun : Algérien, Harkis, Pieds Noirs, appelés, etc. mais aussi sur leurs enfants et sur la génération actuelle, en Corse comme sur le continent ;
- Après avoir échangé sur la naissance et l’évolution d’un conflit d’une telle ampleur, nous orientons le débat vers des réflexions plus générales sur le conflit dans notre quotidien :
Et donc bien sûr… aborder la NON-VIOLENCE
- Interpeler nos jeunes (et pas seulement) sur la communication. La violence verbale est entrée dans la rue, la cour d’école, la famille. Aujourd’hui l’agressivité dans l’échange est devenue un moyen de s’exprimer banal. Aussi instinctive et inconsciente que prendre une fourchette pour manger. On se parle de manière agressive et provocante sans même sans apercevoir. D’enfant à parent et vice-versa et dès le plus jeune âge. Plus d’attention, de patience, de forme de politesse, de respect, l’éducation est spoliée. Dès la toute petite enfance, comment changer cela ?
- Leur expliquer que c’est dans la tolérance et le respect de l’autre, quel qu'il soit, que nous nous respectons nous-mêmes.
L’INTÉGRATION
- Expliquer le rôle de l'hôte (accueilli/accueillant)
- Le respect de la terre aussi. Celle qui nous accueille, celle qui nous nourrit. Le respect des valeurs, de la culture, de la langue. Ceci est devenu une nécessité absolue pour pérenniser la vie ensemble et faire que les nouvelles communautés puissent trouver leur place et apprennent à s'adapter.
- Et plus simplement, apprendre ou réapprendre à vivre ensemble.
LE RÔLE ET LA PLACE DE LA FEMME DANS LA SOCIÉTÉ
- Leur rappeler le rôle de la femme, de la mère, dans toutes les civilisations. Le rôle de celle qui enfante, aime, soigne, guérit, caresse, éduque, respecte et se fait respecter.
Être le colibri dans la forêt…
En écrivant ce livre,
je n’imaginais pas les retours si gratifiants que j'ai reçu de la part des lecteurs, de tous âges, hommes et femmes.
Je n’imaginais pas que toutes ces personnes, anciens combattants mais aussi Pieds Noirs, Harkis, Algériens, aujourd’hui octogénaires, ayant vécu cette période encore si douloureusement ancrée en eux, m'ouvrent leur cœur et se délivrent ainsi de ce lourd fardeau porté depuis tant d’années.
Je n’imaginais pas les perspectives de partage de connaissance possibles intergénérationnelles :
Je n’imaginais pas que mon livre permettrait à une femme de mieux comprendre certains silences de son mari, de son père, concernant sa jeunesse qui n’est plus.
Je n’imaginais pas que mon livre ouvrirait la porte des échanges entre enfants ou petits-enfants avec leur père ou grand-père.
Je n’imaginais pas mais je suis fort heureuse que les écrits laissés par mon père permettent tout cela. Merci papa.